Des dizaines de milliers de viols en RDCongo, peu de poursuites selon HRW (Le Nouvel Observateur 08/03/2005)
Des dizaines de milliers de femmes et fillettes sont violées depuis 1998 par des soldats ou des miliciens dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) et "moins d'une douzaine d'agresseurs ont été poursuivis", déplore Human Rights Watch (HRW).
Dans un rapport publié la veille de la Journée internationale de la femme, l'organisation de défense des droits de l'Homme appelle "le gouvernement congolais et les bailleurs de fonds internationaux à adopter des mesures urgentes pour réformer le système judiciaire au Congo".
Intitulé "En quête de justice: poursuivre les auteurs de violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo (1998-2003)", ce rapport pointe la "débâcle" du système judiciaire congolais et la détresse des victimes.
"Les juges et les procureurs ne considèrent généralement pas la violence sexuelle comme un délit grave et les officiers supérieurs de l'armée ne sont pas tenus de répondre de crimes commis par les hommes se trouvant sous leur commandement", explique à l'AFP à Kinshasa Juliane Kippenberg, principal auteur du rapport de HRW.
"La mutation d'un soldat est une pratique courante après une plainte pour viol. Les procès sont rares et, quand ils ont lieu, ils constituent souvent une nouvelle épreuve pour les victimes, surtout mineures, face à leur agresseur", ajoute-t-elle.
Soldats de l'armée régulière, membres de groupes armés ou de milices tribales (Maï Maï) et rebelles hutus rwandais opérant dans l'est de la RDC: tous se sont rendus coupables de viols au cours des dernières années, selon HRW.
"Dans les zones où les conflits perdurent, comme dans les Kivus et en Ituri, la situation ne fait qu'empirer", souligne Mme Kippenberg, citant le cas d'une fillette de 13 ans, morte des suites d'un viol collectif perpétré en mai 2004 à Bukavu (Sud-Kivu) par des soldats dissidents qui occupaient alors la ville.
Dans cette seule province du Sud-Kivu, 25.000 cas de viols ont été recensés, parfois sur des victimes à peine âgées de trois ans, selon le rapport de HRW.
Déplorant une absence totale de soutien aux victimes et à leurs familles, HRW réclame une "adaptation de la loi congolaise aux crimes de guerre" et une "assistance médicale pour les victimes de viols", notamment pour celles infectées par le virus du Sida.
"Les femmes violées devraient pouvoir bénéficier de traitements prophylactiques post-exposition, notamment pour éviter la transmission du Sida à leur enfant et limiter le développement de maladies opportunes", estime Juliane Kippenberg.
Pour lutter contre l'impunité dont jouit l'immense majorité des agresseurs, HRW enjoint les autorités congolaises à "imposer une sélection stricte pour exclure de l'armée - en phase de restructuration - tous ceux qui sont impliqués dans des crimes sexuels".
Mme Kippenberg fustige notamment la promotion, en décembre dernier, de cinq chefs de milices d'Ituri au grade de général des forces armées congolaises.
"Ces chefs miliciens sont accusés d'être responsables de nombreux crimes de guerre et violations des droits de l'homme comprenant des viols, mais aussi de nombreuses exécutions sommaires et des massacres de civils", a-t-elle affirmé.
HRW insiste enfin sur la nécessité de réformer le système judiciaire congolais, pour mettre un terme à l'impunité mais aussi "permettre des poursuites équitables" contre les auteurs de violences sexuelles.
Source: Africatime