La probable libération de la principale opposante démocrate à la junte birmane ne garantit pas l’arrêt des violations aux droits de l’homme dans ce pays.
La junte militaire birmane pourrait, dans un avenir proche, libérer Aung San Suu Kyi, en résidence surveillée depuis le 30 mai 2003. Cette dirigeante de la LND (Ligue nationale pour la démocratie) avait remporté, à plus de 80 %, les élections générales de 1990 sans pour cela accéder au pouvoir. Emprisonnée et placée en résidence surveillée à plusieurs reprises, elle a néanmoins poursuivi son combat. Elle a reçu le prix Nobel de la paix en 1991.
Cette libération, si elle se produit, ne signifie pas pour autant qu’un processus de démocratisation est en marche dans ce pays. Sous la pression internationale, et en particulier des pays du forum Asie-Europe (Asem), les militaires au pouvoir, qui souhaitent voir la Birmanie intégrer ce forum, remettent au goût du jour leur « convention nationale », qui doit se réunir le 17 mai. Cette instance est chargée d’élaborer un nouveau cadre constitutionnel. Mais il est à craindre qu’il s’agisse d’un écran de fumée, même si la LND y est admise, comme l’exigent les Européens. Il y a dix ans, la junte avait imposé 104 principes comme conditions à la tenue d’une «convention nationale», ceci afin de « légitimer » les forces armées à la tête de l’État.
Mise au ban de la communauté internationale, la Birmanie se classe aujourd’hui encore en tête pour les violations des droits de l’homme : recours systématique au travail forcé, travail des enfants, violences contre les minorités, déplacements de populations, viols, meurtres, répressions en tout genre, en particulier contre l’activité syndicale. Un rapport récent fait état du viol d’une centaine de femmes de l’ethnie Karen, qui s’oppose depuis toujours au régime.
Quelques bonnes intentions. Dernièrement, neuf militants démocrates ont été condamnés à mort pour haute trahison (trois d’entre eux pour avoir contacté l’OIT et fourni à l’organisation des preuves de travail forcé). À la suite de ces condamnations, l’OIT a décidé de suspendre son plan d’action, destiné précisément à aider la junte à éradiquer le travail forcé. Cette même organisation a fait jouer, en 1999, le plus haut niveau de sanction prévu par son règlement à l’encontre d’un pays. Elle vient de publier un énième rapport à la suite d’une plainte de la CISL (Confédération internationale des syndicats libres), dans lequel elle exige la libération d’un haut dirigeant de la Fédération des syndicats birmans, condamné à la prison à perpétuité en 1997, et de deux responsables du syndicat des marins, condamnés à 17 ans d’emprisonnement. Ce document demande le lancement d’une enquête indépendante sur le meurtre du responsable du syndicat de l’Éducation en 2002. Il réitère, en outre, la demande de révision de l’arsenal législatif répressif qui interdit la liberté d’expression et la liberté d’association…
L’expérience a montré que la junte avait pour stratégie de proclamer quelques bonnes intentions, juste à la veille de réunions ou de décisions internationales. Mais pour la CISL, il s’agit à chaque fois de tactiques destinées à donner le change. L’une d’entre elles consiste à faire suivre une vague de répression de quelques mesures montrées comme des signes tangibles de bonne volonté. Mais la pression internationale, qui ne cesse de s’accentuer, tend à forcer le régime à s’ouvrir un peu (en acceptant, par exemple, la présence permanente des fonctionnaires de l’OIT dans le pays). Mais pour la CISL, cette pression doit encore s’accroître. « Le temps n’est pas venu pour un optimisme, même prudent. »